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PQR, correspondants et contestation
Les correspondants de presse (CLP) seraient près de 30 000 en France. Chaque jour, ils contribuent à l'élaboration des pages de la presse quotidienne régionale et vont chercher la sève du terroir pour nourrir les informations. Sans eux, il n'y aurait pas de journal. En mars 2008, les correspondants de la Sarthe ont haussé le ton et créé l'association interdépartementale des correspondants de presse (AICP). Objectif : interpeller sur leurs conditions de travail au travers d'un blog, corres72.hautetfort.com. D'autres correspondants ont suivi le mouvement et ont créé leur propre blog partout en France.
Pour Stéphane Jontil, l'un des administrateur du blog, leurs revendications sont simples : "Le rôle de CLP est devenu pour beaucoup leur activité principale au sein de leur journal et leur principale source de revenus, ce qui est en parfait désaccord avec la loi de 1993 et les textes en vigueur à l'Urssaf qui imposent un caractère accessoire à cette activité. Nous demandons donc que la loi s'applique dès lors que cette activité devient principale pour que le clp devienne alors journaliste sous contrat."
A l'origine de ce mécontentement : la mutualisation des correspondants du Maine Libre et de Ouest France pour la récolte des résultats aux élections. "C'était la période où le Maine Libre venait d'être racheté par Ouest France, explique Catherine Gilot, responsable du secrétariat de rédaction du Maine Libre. Pour faciliter l'annonce des résultats des élections, chaque correspondant donnait les chiffres de sa commune aux deux journaux. Les correspondants ont eu peur qu'on continue à fonctionner comme ça, même après les élections."
Un loisir rémunéré
Leur statut, régi par une loi du 27 janvier 1993, est pourtant clair : "le correspondant local de la presse régionale ou départementale contribue, selon le déroulement de l'actualité, à la collecte de tout information de proximité (...) soumise avant une éventuelle publication à la vérification ou à la mise en forme préalable par un journaliste professionnel. Le correspondant est un travailleur indépendant."
Ils touchent une rémunération plutôt symbolique. Aux Dernières nouvelles d'Alsace, l'article est payé 15 euros, 23 euros le dimanche. La photo vaut 5 euros. En moyenne, un correspondant qui publie tous les jours gagne environ 400 euros par mois. Etre correspondant n'est pas un métier. C'est un loisir rémunéré, une activité annexe.
La motivation n'est pas financière. Elle est ailleurs : amour de l'écriture, du journal, de sa région, socialisation mais aussi nombreuses rencontres.
Place aux abus
Mais dans certains cas, les reportages se multiplient et l'activité de correspondant devient l'occupation principale des CLP. Plusieurs médias ont ainsi été condamnés en justice pour avoir surexploité un correspondant. L'expression "Faux CLP, vrais journalistes" a été inventée pour dénoncer l'ambiguïté de la situation. Pour David Lemaitre, l'un des créateur du blog corres72, 20% des correspondants seraient des journalistes cachés. Selon Stéphane Jontil, "déclarés correspondants, ils travaillent au sein des rédactions sous les ordres et directives de leur chefs ce qui est en inadéquation avec la définition même de CLP et les place dans des situations financières critiques et en défaut vis à vis de la loi."
L'AICP a participé aux Etats généraux de la presse en 2008, une première. Devant la commission chargée de travailler sur l'avenir de la presse, dirigée par Bruno Frappat, l'association a exposé ses doléances dont voici les conclusions : "Nous demandons un statut qui nous assure cette reconnaissance, une rémunération décente et qui nous donne des garanties vis-à-vis des remerciements (puisque nous ne pouvons parler de licenciement). Il importe d'examiner les problèmes cruciaux que sont le régime de sécurité sociale particulièrement défavorable. Le problème de la formation et de la « carrière » du CLP sont aussi essentiels."
Gérard Lignac, PDG du groupe EBRA (L'Est Républicain, DNA, Progrès,...) avait alors reconnu qu'il y avait « des abus » dans l'emploi des CLP. Des abus portés par l'ambiguïté du statut. Mais les problèmes soulevés en 2008 semblent, pour le moment, insolubles et les blogs de revendications s'essoufflent. « De toute façon, c'est simple : les correspondants qui ne sont pas contents arrêtent cette activité » ironise Sylvaine Dubost, correspondante pour Sud Ouest.