"Personne ne se bat avec Televisa"
L'audiovisuel mexicain n'hésite pas à manipuler l'audience pour propager les idées du pouvoir en place.
"Televisa, dis-moi la vérité !" Photo Esparta/Flickr
La télévision mexicaine aime le pouvoir et le pouvoir le lui rend bien. Avec une grille de programmes conservatrice au niveau moral, néolibéral et économique et l'audience comme seul objectif, les deux géants de l'audiovisuel, Televisa et TV Azteca, infantilisent leurs audiences régionales au profit du gouvernement. Ces dernières semaines, Televisa (plus grand groupe d'Amérique Latine,225 chaînes, 68% des audiences, 58% des recettes publicitaires au Mexique) a été sévèrement critiqué pour son traitement du bi-centenaire de l'indépendance, en septembre dernier.
Le mastodonte de l'audiovisuel a avoué être derrière une immense campagne publicitaire ("Iniciativa México") qui a inondé les chaînes du pays avant les célébrations de cet anniversaire. Une campagne réalisée avec la collaboration des quarante médias les plus puissants et l'élite politique du pays. L'objectif : éliminer l'insatisfaction publique et l'esprit de rébellion qui, traditionnellement, souffle lors des cérémonies, en mettant en avant (toutes les quinze minutes sur les chaînes de télévision et les antennes radios) des citoyens "exemplaires", tels Javier Aguirre (ancien sélectionneur de l'équipe nationale de football, qui a déclaré après la dernière Coupe du monde ne plus jamais vouloir remettre les pieds au Mexique) ou Salma Hayek, qui vit à l'étranger depuis de nombreuses années.
Dès le début, cette "Iniciativa México" a été condamnée par une population qui se sent de moins en moins en adéquation avec des médias qui ne cessent de s'éloigner de leurs préoccupations quotidiennes.
Main basse sur les fréquences
Pas besoin de campagnes publicitaires cependant pour que les deux géants de l'audiovisuel accentuent leurs pouvoirs avec le soutien de l'appareil politique. En 2001, les deux groupes ont mis leur véto sur une réforme des médias électroniques permettant la libre-concurrence et la création d'un organisme de contrôle. Pour la contrer, ils fomentent en 2006 une autre réforme, la Ley Televisa. Cette réforme permet à Televisa et TV Azteca de devenir possesseurs du spectre digital des fréquences, jusqu'ici propriété de l'Etat.
La loi fut adoptée par les députés en sept minutes, sans lecture préalable, quasiment à l'unanimité (une première au Mexique). "Personne ne veut se battre avec Televisa", se lamente Carlos Sotelo, sénateur du PRD, un parti de l'opposition. Les deux groupes ont désormais droit de vie et de mort sur l'ensemble des chaînes de télévision mexicaines. L'Etat peut quant à lui être sûr qu'aucune contestation ne sortira du petit écran.