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Vous avez dit macho ? |
Les médias, un miroir déformant |
La parité n'est pas une douce utopie |
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Esclave domestique puis working girl libérée, et oui, les femmes sont aujourd'hui influentes en société ! Mais, mesdames, visiblement les médias n'ont pas encore tout à fait assimilé cette incroyable évolution. Bienvenue dans cet univers encore trop misogyne...
Je te vois déjà derrière ton écran, toi, individu de sexe masculin, te dire après avoir lu ces quelques lignes : "encore une foutue féministe !" C'est vrai, dès lors que l'on commence à parler des femmes et des inégalités dont nous sommes victimes, nous sommes forcément des Chiennes de garde.
Soyons clair : il n'en est rien. Mais vu les faits et les chiffres, il est normal de vouloir pousser un coup de gueule. Car non, tout ça n'est pas sorti tout droit de nos têtes, n'est pas le fruit de notre imagination. Constatez par vous-même : nous, les femmes, représentons un peu plus de 51 % de la population mondiale. Pourtant, dans les journaux, mais aussi à la télévision, à la radio et plus généralement dans les films et les publicités, nous sommes sous-représentées. Vous ne me croyez pas ?
Pour bien se rendre compte de la situation, une ONG canadienne, Mediawatch, recense le nombre d'hommes et de femmes dans les médias. La première enquête date de 1995, et depuis, tous les cinq ans, l'organisme sort des rapports en collaboration avec l'association des femmes journalistes (AFJ). Pascale Colisson, sa présidente explique que "tous les ans, l'AFJ collabore au GMMP (Global Media Monitoring Project)" et constate que cette année, "l'évolution est un peu plus positive". En effet, en septembre 2010, un nouveau rapport est sorti. Et premier constat : 24 % des personnes dont on parle dans l'actualité sont des femmes, 76 % pour les hommes. Une moyenne qui se veut légèrement supérieure pour la France : 26 % pour les femmes, 74 % pour les hommes.
En mars 2008 déjà, le gouvernement s'empare du dossier. Valérie Létard, alors secrétaire d'état chargée de la solidarité, demande à Michèle Reiser, auteure et membre du CSA, de constituer une commission. Le but ? Réfléchir à la représentation des femmes faite par les médias, quels qu'ils soient. Au sein de cette commission, des personnes de tous horizons : Inès de la Fressange, Malek Boutih ou encore Frédéric Taddeï. Le rapport qu'ils rendent en septembre 2008 est alarmant. Voire surprenant pour un pays comme la France au XXe siècle.
L'image des femmes en « régression »
La commission de Michèle Reiser s'est basée à l'époque sur l'étude Mediawatch menée en 2005. Et après comptage des médias du 16 février 2005 dans 76 pays, « les hommes comptaient, ce jour-là, pour 79 % des sujets de nouvelles », (p. 46). Mais le plus inquiétant, c'était que les chiffres relatifs à la France étaient encore plus mauvais : seulement 17,7 % de femmes apparaissaient dans les médias, pour 82,3 % d'hommes. Cette enquête, elle, a été réalisée en 2006 dans sept quotidiens. Le rapport sur l'image des femmes dans les médias montre successivement que les femmes ont moins de temps de parole que les hommes, à la télévision et à la radio, et surtout dans les émissions de libre antenne.
D'autres commissions avaient déjà été chargées d'étudier le sujet. En 2002, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe rendait également son rapport, à l'échelle européenne, sur l'image des femmes dans les médias. Sa conclusion sur le sujet : elle « reste encore trop négative et sexiste » et à l'époque, on parlait même de « régression ».
Où sont les femmes ?
Pour prendre conscience de ces inégalités homme / femme, rien de mieux que de faire son propre comptage. Pendant neuf jours, j'ai scruté les sources et les sujets de trois quotidiens nationaux. Du 2 au 4 décembre pour Le Figaro, du 6 au 8 pour Le Monde, du 9 au 11 pour Libération. A chaque fois, j'ai suivi la méthode Mediawatch, en indiquant le nombre de femmes et d'hommes qui apparaissent dans chaque article. Qu'ils soient cités comme sources ou comme simples sujets. Même si le panel de journaux observés est moins complet et diversifié que pour une véritable étude Mediawatch, les résultats sont évocateurs :
Le Figaro Du 2 au 4 décembre | Le Monde Du 6 au 8 décembre | Libération Du 9 au 11 décembre | TOTAL | |
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Nombre de personnes citées | 454 | 330 | 378 | 1162 |
Hommes cités | 389 | 258 | 298 | 945 |
% hommes cités | 86 % | 78 % | 79 % | 81 % |
Femmes citées | 65 | 73 | 80 | 218 |
% femmes citées | 14 % | 22 % | 21 % | 19 % |
Ils sont même sensiblement inférieurs aux résultats de cette année : 81 % des personnes citées sont des hommes, contre seulement 19 % de femmes. Carton rouge même pour Le Figaro avec seulement 14 % de femmes évoquées. Après ce premier recensement, je me suis penchée sur leur identité, en notant si les personnes étaient présentées par leur nom complet, seulement par leur prénom ou de façon anonyme. Comme l'indiquait le rapport, les femmes sont bien plus souvent appelées par leur prénom (7,5 %).
Hommes cités | Femmes citées | |
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Nom + prénom | 877 soit 93 % | 174 soit 80 % |
Prénom | 13 soit 1,4 % | 13 soit 6 % |
Anonyme | 57 soit 6 % | 12 soit 5,5 % |
Le même procédé a été utilisé pour les photos, recensées selon le sexe de la personne qu'elles représentent. (Les photos mixtes n'ont pas été rangées dans une des catégories).
Le Figaro Du 2 au 4 décembre | Le Monde Du 6 au 8 décembre | Libération Du 9 au 11 décembre | TOTAL | |
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Total des photos utilisées | 128 | 75 | 114 | 317 |
Photos avec des hommes | 85 | 49 | 52 | 186 |
En % | 66 % | 65 % | 46 % | 59 % |
Photos avec des femmes | 14 | 11 | 29 | 54 |
En % | 11 % | 15 % | 25 % | 17 % |
Le fossé est grand mais il ne découle logiquement que du fait que peu de femmes sont citées ou sujets d'articles. Phénomène marquant : dans Le Monde du 7 décembre, il n'y a qu'une seule photo de femme, en page 8. En l'occurrence, une photo miniature (3 * 3 cm) d'une femme présentée, d'ailleurs, comme "l'épouse de Manuel Rosales", un ancien candidat à la présidence du Vénézuela.